Obama condamne le silence des républicains

« Qu’est-il arrivé au Parti républicain ? » a lancé Barack Obama depuis l’Illinois vendredi. Le chaos qui règne à la Maison-Blanche est tel que l’ancien président démocrate a décidé de s’en mêler cette semaine, critiquant le mutisme de ses anciens adversaires politiques face aux décisions controversées de Donald Trump.
Dans un discours passionné, Barack Obama s’en est pris directement aux républicains qui s’affairent en coulisses à contrecarrer les « pires penchants » du président américain, mais n’osent le critiquer publiquement. « Ils ne rendent service à personne en soutenant activement 90 % des trucs fous qui viennent de cette Maison-Blanche et en disant : “Ne nous inquiétez pas, on évite que les 10 % restants deviennent réalité” », s’est-il exclamé devant la foule rassemblée sur le campus de l’Université de l’Illinois.
L’ancien occupant du bureau ovale est revenu sur les événements des derniers jours qui ont, une nouvelle fois, secoué la Maison-Blanche. Entre la publication mardi d’extraits du livre dévastateur du journaliste Bob Woodward — à l’origine de l’affaire du Watergate qui a fait tomber Richard Nixon — et la tribune anonyme et assassine publiée mercredi dans le New York Times, la semaine de Donald Trump n’a pas été de tout repos. Il y est dans les deux cas décrit comme un homme n’ayant pas l’étoffe d’un chef d’État, incapable de saisir les enjeux de la présidence, à tel point que ses collaborateurs tentent de contourner ses décisions pour éviter un désastre politique.
« Ce n’est pas comme ça que notre démocratie est censée fonctionner. Ces gens ne sont pas élus. Ils ne sont pas responsables », a déploré M. Obama dans son discours.
Jusqu’alors resté relativement discret sur les agissements de son successeur, le 44e président des États-Unis n’a pas mâché ses mots vendredi. Sa sortie publique a accentué la gravité de la situation chaotique qui semble régner au sein du gouvernement américain. « C’est assez rare de voir d’anciens présidents montrer du doigt le président ou le parti au pouvoir de la sorte », fait remarquer Karine Prémont, professeure de sciences politiques à l’Université de Sherbrooke.
Nouvelle tuile
Il faut dire que la situation politique au pays sort de l’ordinaire depuis l’entrée en fonction du président Trump. « On a déjà vu des fuites d’informations, des documents confidentiels divulgués aux médias, des démissions fracassantes pour attirer l’attention sur la Maison-Blanche. Mais un témoignage anonyme venant d’une personne de l’intérieur qui, en plus, reste en poste, c’est du jamais vu dans l’histoire politique contemporaine à Washington », constate Vincent Boucher, chercheur en résidence à l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand.
La tribune anonyme dans les pages du New York Times n’a d’ailleurs pas manqué de soulever la colère de Donald Trump, qui s’est lancé dans une chasse à l’homme pour retrouver son auteur. Vendredi, il a même demandé au département de la Justice de faire enquête.
Pour Vincent Boucher, la lettre témoigne d’une division au sein du gouvernement Trump. « C’est inquiétant d’un point de vue démocratique, confie-t-il. On peut reprocher beaucoup au président Trump, mais il a été élu par la population. Et là, on apprend que des conseillers, non élus, prennent le contrôle derrière les rideaux de la Maison-Blanche. »
Quel impact ?
« À chaque scandale, on pense faire face au pire, et pourtant on est toujours plus étonné chaque fois », insiste M. Boucher. Mais ce n’est pas encore « la goutte d’eau qui fait déborder le vase ». Malgré les crises, le taux d’approbation moyen du président Trump se maintient autour de 40 % dans les sondages, note le chercheur. « Pour beaucoup, tant que l’économie va bien, tout va bien. »
Un taux de popularité pourtant faible comparé à celui de ses prédécesseurs, note Karine Prémont de l’Université de Sherbrooke. À son avis, les récents événements pourraient avoir un impact sur les élections de mi-mandat du 6 novembre, durant lesquelles les démocrates chercheront à récupérer la majorité à la Chambre des représentants et au Sénat. « Encore faut-il que les électeurs s’en souviennent d’ici là et aillent voter. »
Souvent comparée à un référendum invitant la population à évaluer la performance du président en place, l’élection de mi-mandat peine à attirer les foules le jour du scrutin alors que moins d’un américain sur deux accomplit son devoir de citoyen. Il reviendra donc aux démocrates de faire ressortir le vote parmi leurs sympathisants, croit Mme Prémont.
Et Barack Obama y travaille déjà. « Vous devez voter, car notre démocratie dépend de vous […] Si vous pensiez que les élections n’ont pas d’importance, j’espère que les deux années écoulées ont modifié votre perception », a lancé l’ex-président vendredi.
Si vous pensiez que les élections n’ont pas d’importance, j’espère que les deux années écoulées ont modifié votre perception
Celui qui a jusqu’ici consacré son temps à la rédaction de ses mémoires et à la mise en place de sa fondation à Chicago retrouvera cet automne le chemin des estrades de campagne pour appuyer les différents candidats démocrates à travers le pays. Il sera en Californie samedi et dans l’Ohio jeudi. Sa femme, Michelle Obama, a aussi l’intention de monter en première ligne, avec des apparitions à Las Vegas et à Miami fin septembre.
À deux mois du scrutin, les sondages prédisent une « vague bleue » — en faveur des démocrates — et les républicains, aujourd’hui aux commandes du Congrès, redoutent de perdre la Chambre des représentants.
« Historiquement, à quelques exceptions près, le parti du président perd en moyenne une trentaine de sièges à la Chambre des représentants lors des élections de mi-mandat. C’est à peu près ce qu’il manque aux démocrates pour être majoritaires », souligne Vincent Boucher.